Jetez-vous à l’eau !

Plongée

Luc Besson a construit Le 5e élément sur les pierres fondatrices de l’eau, du feu, de la terre et de l’air. Des pierres précieuses illustrant l’importance de ces quatre éléments primaires.

L’amour est-il le 5e élément ? Si je ne vais pas aller jusqu’en Egypte dans un univers parallèle pour chercher la réponse au fond d’un temple abandonné, je crois bien en la puissance des quatre premiers éléments. Avant de trouver le cinquième, Besson a pointé sa caméra sur Le Grand Bleu. En randonnée, le long de la Kepler Track, je me suis laissée portée par la magie de la terre et du vent.

A chaque aventure, je retrouve la transcendance majestueuse de ces éléments. Toujours fascinée par l’eau et ses secrets, j’avais profité de mon séjour en Nouvelle Zélande pour tester la plongée sous-marine. Une opportunité à petit prix pour les étudiants de découvrir cette activité dans la sécurité d’une piscine-fosse de plongée. Persuadée grâce à cet essai que je me plairais à aller plus loin, j’ai inscrit mes envies sur ma liste de Noël. Au pied du sapin, ma formation de plongée niveau débutant m’attendait.

Hors du temps : la frontière de l’eau

Au milieu d’un hiver doux, au moment où la fraicheur du soir freine les élans sportifs, je me suis lancée dans cette nouvelle formation, en commençant par la lecture du manuel. Un apprentissage non seulement nécessaire, mais intéressant également. Si j’ai choisi d’apprendre à plonger plutôt que de plonger directement avec un moniteur, en vacances dans une destination paradisiaque, c’est pour cette assurance et cette confiance que donne la connaissance. Savoir pourquoi on fait une chose, quelles problématiques garder à l’esprit, gagner en aisance par la pratique, progresser et gagner en maîtrise… je ne trouve rien de mieux pour apprécier vraiment une activité. Chaque chose que j’apprenais dans le manuel était ainsi fascinante, éclairant ce sport dédié à l’émerveillement.

Parallèlement, j’apprenais par la pratique. Cinq séances théoriques, cinq séances pratiques, un examen théorique et, au bout du chemin, quatre plongées pour valider. La différence entre les séances d’apprentissage pratique et les plongées : les séances pratiques se font en milieu protégé, en piscine. Et bien sûr, elles sont faites pour apprendre les bases de la pratique de la plongée. Présenté ainsi, tout parait simple. Mais qu’en est-il à 21h en hiver, à la fin d’une journée de travail, quand il faut apprendre à s’équiper et se mettre à l’eau ?

C’est là que l’incroyable s’est produit. Dans ce contexte potentiellement défavorable, j’ai fait une grande découverte. Le pouvoir secret de l’eau. Dès la préparation des bouteilles, il faut se concentrer, faire attention à chaque geste, d’une part pour les faire bien, d’autre part pour les mémoriser. Au moment de la mise à l’eau, vient cette petite nervosité, signe d’un enjeu, d’un enthousiasme.

La magie opère une fois submergée, respirant avec le détendeur en bouche, entourée par l’eau. D’un coup, tout le reste disparait. On oublie les problèmes de la journée, on oublie toutes les préoccupations sans limite de temps, on en oublie même qu’il est 21h passées, qu’on est sensé être fatigué… Il ne reste que l’eau, l’équipement de plongée, et les exercices du moniteur. Mais bien loin des exercices de maths au lycée, ceux-ci n’enlèvent rien au bien-être de l’élément aquatique. Comme si respirer sous l’eau permettait de mieux apprécier cet air qu’on respire. Sensation de légèreté, sensation de liberté. De simples séances en piscine, et pourtant, j’étais mordue. J’ai retrouvé en entrainement une paix intérieure égarée jusqu’alors.

Après quelques séances et quelques progrès, j’ai pu ressentir cette sensation d’apesanteur qu’on imagine associée aux voyages dans l’espace. C’est bien réel. Tout devient logique. La gravité agit comme une force tirant sur nous, une force contre laquelle on résiste en permanence, à différents degrés, du moment où l’on est allongé, à celui où l’on marche, et particulièrement lorsqu’il faut monter des escaliers. Chaque objet, chaque personne, présente une force réciproque. Dans notre quotidien, on est constamment tirés, poussés, par ces forces invisibles, ces forces peu compréhensibles. Quand toutes ces forces auxquelles on est assujetti disparaissent, les problèmes, les tensions, toutes les émotions un tant soit peu négatives s’évaporent, exilées à la surface de l’eau.

Projet Gozo

Malte, Île de Gozo

Île de Gozo

L’intérêt de la formation PADI Open Water Diver, outre sa reconnaissance internationale, est de pouvoir plonger. De manière à obtenir la validation finale, quatre plongées encadrées, en fosse et en milieu naturel, doivent être effectuées. Autant se faire plaisir et en profiter pour faire de belles plongées, au-delà de la validation.

Mon centre de plongée Bleu Passion organisait un voyage à Malte, sur l’île de Gozo, la semaine exacte suivant la fin de mon contrat de travail. Un timing trop parfait pour l’ignorer. Le moment était idéal. En préparation de ce beau projet, j’ai fait quelques séances en piscine complémentaires pour perfectionner ma flottabilité. Et j’ai commencé à m’équiper, une étape symbolique où l’on devient vraiment pratiquant, quel que soit le sport. Après avoir accroché du matériel de kayak dans ma penderie, je pouvais désormais y ranger mes palmes, mon masque, mon tuba, mon ordinateur de plongée, et mon parachute (sans rire!), jusqu’au moment du départ tant attendu.

Dans un appartement presque vide, après une semaine à dormir sur une chauffeuse, le réveil sonne. Il est 4h du matin. Dormant désormais à même le parquet dans un sac de couchage usé, je me lève sans mal. Mes affaires sont prêtes. Direction l’aéroport. Le grand moment est arrivé, mes vacances à Malte commencent. A l’arrivée de ce vol matinal, un minibus nous attend pour nous transférer à l’autre bout de l’île, où un ferry doit nous emmener à notre destination finale, sur la petite île de Gozo. C’est le lendemain qu’on attaque les plongées, élèves et moniteurs.

Falaises sous-marines de Malte

Malte est une destination de plongée assez pauvre en faune. On ne vient pas tant pour voir les poissons que les paysages sous-marins. Des tombants, véritables falaises immergées, des grottes, des tunnels, des arches… cette architecture naturelle produit des effets de lumière et d’ambiance remarquables. Jour après jour, on a eu l’occasion de plonger sur des sites différents, pour une exploration variée.

Dès le premier jour, une petite grotte a révélé son secret. Caché dans la pénombre, un tunnel à ciel ouvert permettait de la traverser, produisant des effets de lumière magnifiques. Une lumière plus forte à l’autre bout qui, traversant l’eau, transformait les nuances de bleu. Les parois autour créaient un contraste avec ces jeux de lumière. Le long du Xlendi Tunnel, maîtriser sa position dans l’eau était important, pour glisser dans l’eau, juste au-dessus du fond, en palmant doucement.

Plongée à Gozo (Malte), Mer Intérieure

Gozo – Mer Intérieure

Le lendemain, on partait à la découverte d’un autre tunnel sous-marin, dans la Mer Intérieure. Large, profond, et ouvert sur la surface, il donnait une impression d’immensité. Une vision incroyable que l’on doit à l’excellente visibilité propre à Malte. Sous l’eau, il est possible de voir sur de grandes distances, et de garder une clarté inattendu même à des profondeurs supérieures à 20 mètres.

Dans des grottes un peu plus grandes que dans la baie Xlendi, un éclairage artificiel est utile. Dans la Corral Cave, le phare du moniteur était ainsi la seule source de lumière au fond de la grotte. Une sensation étrange. Les notions de profondeur deviennent plus floues. En se retournant vers l’entrée gigantesque de la grotte, la lumière bleue est presque éblouissante. Une luminosité surréaliste à 25 mètres de profondeur.

Les grands tombants sont également troublants pour les sens et la perception des profondeurs. En descendant le long du tombant à Raqqa Point, je sentais que je descendais, mais c’est l’ordinateur qui me permettait de connaître ma vitesse. A descendre ou à remonter, j’avais appris à sentir la différence. Mais l’ordinateur me donnait la profondeur. En palmant le long du tombant, on nage en fait au bord d’une falaise, comme si on volait au-dessus d’un précipice. On voit la chute, mais on l’évite. La plongée donne des ailes aquatiques.

La plus belle plongée du voyage s’est déroulée au Blue Hole, un site réputé auprès des plongeurs comme des touristes. A l’arrivée, on admire aussitôt la beauté des lieux avec son Azure Window, une grande arche au-dessus de l’eau. La mise à l’eau se fait littéralement dans un trou bleu. Fascinant. Dès la descente, l’ambiance est magique. La lumière, les parois, les sensations de plongée sous-marine, chaque élément contribue à cette atmosphère. Le bien-être est total. Dans l’eau, le parcours est mémorable, nous faisant rapidement passer sous une arche, longer le fond, suivre la paroi. Au cours de cette plongée, j’ai pu découvrir les vers de feu et contempler quelques méduses. Immobile sur son rocher, j’ai également aperçu un chapon. Plus loin, un passage secret nous a fait remonter une cheminée. Transformée en ramoneur de la mer, j’étais conquise par ce tunnel horizontal étroit, que je n’aurais même pas imaginé quelques instants plus tôt. Magnifique, la plongée du Blue Hole était parfaite.

Le défi des mises à l’eau

Le sport commence avant la plongée, avant l’eau et ses merveilles, dès la préparation. La température de l’eau étant d’environ 18°C, on m’avait fourni une combinaison en Néoprène de 7mm. L’enfiler était déjà un exercice d’endurance. Mais rien comparé à certaines mises à l’eau. On pourrait croire que la température était au coeur du challenge à relever. Or, le vrai défi relevait de l’itinéraire. Ce sont essentiellement deux types de difficultés qui se sont manifestés.

La première prend la forme d’une randonnée diabolique. Le sol avait des allures de cratère. Sec et irrégulier, il était perceptible à travers une paire de baskets. Equipée d’une bouteille en acier et d’une ceinture de plombs, les distances paraissent vite grandes. Des échelles reliaient les différents plateaux à traverser. A l’approche de l’eau, la difficulté se corsait. De grands pas, des marches hautes, transférer son poids d’un rocher à un autre. Ce jeu d’équilibriste sollicitait les jambes comme jamais. Tétanisées par l’effort et le poids à supporter, elles tremblaient. Lequel céderait le premier : le sol, ou mes jambes ? L’épreuve était telle, qu’à la deuxième mise à l’eau, mes jambes ont lâché. L’équilibre étant parfaitement maîtrisé, je me suis simplement écroulée sur place, sur mon rocher. Se redresser est alors un défi d’autant plus grand.

Le deuxième type de mise à l’eau difficile passe pas les échelles. Pas n’importe lesquelles, des grandes échelles, descendant droit dans l’eau, avec des barreaux durs, ouverts sur les bords pour les palmes. J’étais terrifiée. Pour faciliter la descente, on lançait nos palmes au moniteur. Puis guidage en temps réel, au millimètre près. Le plus dur, c’est le premier barreau. Dos à la mer, cramponnée aux barres, il fallait reculer le pied jusqu’au premier barreau, si loin. Puis déplacer les mains pour réussir à ne pas tomber, malgré le poids de la bouteille. A chaque barreau, le pied souffrait. La descente était dure.

La remontée à l’échelle était sensiblement différente, mais en rien plus facile. Avec ou sans les palmes, il faut d’abord parvenir à s’accrocher à l’échelle malgré le ressac, et ne plus la lâcher quoi qu’il arrive. Puis monter, luttant ardemment contre la gravité s’exerçant sur la bouteille et les plombs, gravir un barreau après l’autre, sans s’emmêler les palmes. L’aide au sommet était bienvenue pour la dernière poussée sur les jambes, la dernière marche de géant.

Après ces mises à l’eau, ma mission était claire, muscler les jambes. Une évolution qui servirait aussi au palmage en surface.

La plongée comme art de vivre

Officiellement élue meilleur sport de vacances, la plongée implique des règles strictes. Ne pas se fatiguer. Boire beaucoup (d’eau). Discuter avec les autres plongeurs. Ne pas faire d’effort après la plongée. Ne pas faire de régime. Bien se reposer. Une vraie vie à la dure ! Croyez-bien que je n’allais pas bafouer ces règles ancestrales.

Une semaine de plongée a fait de ce voyage des vacances parfaites, telles qu’on pourrait en rêver. Le plongeur mène une vie simple. Réveil et petit-déjeuner, suivi des deux plongées de la journée. Vient ensuite le déjeuner tardif de récupération au resto, avant la sieste obligatoire. On se réveille tous pour l’apéro, puis retournons au resto pour le dîner, avant d’aller se coucher. Mais ce n’est pas un rythme de fainéant, c’est un rythme de plongeur. Tout est justifié.

Pourquoi manger ? Pour prendre des forces bien évidemment.

Pourquoi plonger ? La réponse est dans la question.

Pourquoi un apéro ? C’est un moment privilégié pour discuter entre plongeurs. La plongée est une activité de groupe. Minimum 2 personnes.

Pourquoi faire la sieste ? Incontournable, la sieste des plongeurs, pratiquée massivement, et de longue durée, trouve son explication dans la pratique-même de la plongée. Au cours de la plongée, l’azote s’accumule dans l’organisme. En fonction de la durée de la plongée et de la profondeur, la quantité d’azote varie. Plus le corps contient d’azote à éliminer, plus le plongeur est fatigué. Dans le cadre de plongées répétées, jour après jour, la sieste est nécessaire pour faciliter la récupération. CQFD.

Un restaurateur certifié trois soleils

Dans le respect de l’art de vivre du plongeur en vacances, nous prenions tous nos repas au resto. Il s’agissait donc d’un lieu de grande importance. Celui-ci a laissé un souvenir mémorable à l’ensemble du groupe. Pour cause, le restaurateur était une perle. Une relation clientèle comme je n’en avais jamais vu.

D’une amabilité irréprochable, il nous réservait toujours un accueil des plus chaleureux. Dès notre première venue, des bruschetta nous étaient servies avant que nous passions commande. Une habitude maintenue jusqu’au bout. Les plats étaient bons, les prix corrects, et les portions à tomber à la renverse. La première fois que l’un d’entre-nous a commandé le tant convoité rib-eye steak avec sa sauce délicieuse, j’ai cru avoir une hallucination. Les assiettes sont arrivées avec deux morceaux de viande ! Le restaurateur n’avait que des morceaux de 120g, tandis que la carte précisait 150g, alors il a ajouté un autre morceau de viande. Du jamais vu. Il était rare d’arriver au bout de ces portions pour dinosaure carnivore. Le rib-eye nous a tous fait rêver. Chacun a son tour, on a craqué et savouré ce plat.

Mais l’accueil du restaurateur allait tellement plus loin. Il trouvait toujours une place pour nous, quitte à réarranger les tables déjà occupées. Un soir, à la fin du repas, il nous a offert des shots de Limoncello. Une gentille attention. Dès lors, ce fut l’escalade. Le jour suivant, le Limoncello était de retour, dans des verres un peu plus grands. Les deux derniers jours, il a carrément poser la bouteille sur la table. Cerise sur le gâteau, le dernier soir, deux personnes fredonnaient une chanson. Il est venu demander le titre et le nom du groupe. Quelques instants plus tard, on entendait la musique jouer.

Lumière sur l’épave

Un moment clé du voyage a été l’exploration d’une épave en eaux profondes. Une opportunité précieuse que seule la plongée permet d’apprécier. Une première plongée sur épave pour donner goût à ce type d’exploration.

Coulé comme récif artificiel en 2006, le MV Karwela est un ferry de 50 mètres de long, reposant désormais à plus de 40 mètres de fond. Sécurisée pour les plongeurs, l’épave est le lieu idéal pour une première découverte. Sa facilité d’accès en fait un site phare de la plongée à Malte.

Après une mise à l’eau via une échelle, on a rejoint la bouée marquant l’emplacement de l’épave en palmant en surface. Dans le cadre d’une plongée profonde, cette solution nous permettait de passer un temps optimal sur l’épave. En commençant la descente le long du bout, point de référence nécessaire, la houle présente en surface disparait, laissant la place à la tranquillité de l’eau. Une descente tout en douceur jusqu’au moment où l’on aperçoit l’épave. Tandis que je surveille la profondeur sur mon ordinateur, je m’émerveille à la clarté de l’eau. On se dirige vers l’épave, la longeant jusqu’au pont. Même là, à plus de 35 mètres, la lumière nous parvient, éclairant les parois couvertes de mousse. Traverser l’épave est surréaliste et excitant à la fois. A de telles profondeurs, nous n’avons que quelques minutes avant de remonter un peu. Le retour vers le point de mise à l’eau se fait en suivant un fond moins profond. Autour des 10 mètres, on peut sentir les effets de la houle, douce berceuse aquatique qui nous porte sans effort. La magie de l’eau m’a encore une fois convaincue de mon attrait pour la plongée.

Souvenir de Malte : le jeu de cartes des 10 plongées

Logo PADILe Projet Gozo avait un objectif clairement établi : valider la formation Open Water, puis profiter du reste des plongées. Simple, détendu. Grâce à cette approche zen, j’ai vraiment pu apprécier chacune des plongées sans stress, absorbant les enseignements et les conseils qui m’étaient prodigués, découvrant la plongée en milieu naturel pour la première fois. Initiée notamment aux techniques d’orientation sous-marine et à l’utilisation d’un parachute de palier, j’ai particulièrement pu travailler sur l’amélioration de ma flottabilité. Un entrainement en conditions réelles qui m’a valu plus que la carte de certification Open Water.

Partie l’esprit libre, je suis revenue avec un jeu de cartes plus nombreuses que prévu. Le déroulé des plongées m’a permis de valider à la fois le niveau suivant, la spécialité plongée profonde, et la certification Nitrox (un mélange où la concentration en azote est plus élevée que dans l’air). Un succès total pour ces vacances parfaites.

En bref
Jetez-vous à l'eau !
Titre
Jetez-vous à l'eau !
Résumé
Après une formation à la plongée en piscine, je suis partie à Malte, sur l'Île de Gozo, à la découverte des fonds sous-marins.
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